En attendant la conclusion de Copenhague (16/12/2009)
Point n’est besoin d’attendre la fin de la conférence de Copenhague pour faire quelques observations sur la période que nous traversons.
Sans prendre position, faute de compétences, sur le réchauffement de la planète réel ou supposé, ses origines humaines ou non, sur le dérèglement prévu du climat au cours des années à venir, il est permis de s’interroger sur le spectacle permanent auquel chacun est invité depuis un an.
La pensée unique qui faisait florès naguère au plan politique fait aujourd’hui un triomphe mondial avec la ‘défense du climat’ puisque ceux qui contestent la thèse officielle, et même ceux qui simplement doutent, sont vilipendés de façon violente et subissent l’anathème de la part des nouveaux prophètes. La pensée écologique que prônent nombre des ‘défenseurs’ du climat présente une certaine forme d’intégrisme.
Souvent dépourvu de nuances, le langage employé relève parfois du terrorisme (Copenhague : une dernière chance pour la planète) ce qui n’est guère susceptible de susciter l’adhésion à des objectifs coûteux et contraignants qui ont peu de chance d’être équitablement partagés. En ce domaine, comme en d’autres, la menace ne génère pas souvent la conviction.
Intervenant en pleine période de crise économique, la condamnation de la ‘croissance’ explicite chez nombre des combattants s’avère anxiogène et contre-productive auprès du grand public alors que chacun espère la ‘reprise’ économique.
Et pourtant qui peut mettre en doute le fait qu’il faut impérativement faire évoluer les modes de vie ?
canaliser un appétit de consommation devenu incontrôlé ;
ralentir la consommation de ressources présentes sur terre en quantités limitées (pétrole, gaz, eau, etc.) et favoriser systématiquement le recyclage;
mettre un terme à l’accroissement gigantesque des émissions de CO2 (1 milliard de tonnes de carbone par an il y cinquante ans, 10 milliards de tonnes par an aujourd’hui) et des autres polluants nuisibles pour l’homme comme pour la nature ;
les consommateurs doivent accepter de payer le coût complet de leurs achats, c'est-à-dire comprenant les coûts externes liés aux nuisances que leur production occasionne (pollutions, consommation des ressources ‘gratuites’, maladies induites). Le consommateur standard qui cherche souvent le ‘low cost’ n’est probablement pas prêt de partager ce point de vue. La réaction à la taxe carbone qui sera prochainement appliquée et qui va un peu dans ce sens est, à cet égard, un indicateur peu rassurant ;
tout faire pour élever le niveau de vie des pays pauvres, favoriser l’égalité de l’homme et de la femme, augmenter le niveau d’éducation des jeunes femmes, c’est en effet à ce prix qu’un frein sera apporté au développement de la population globale (6,1 milliards d’habitants en 2000, 6,8 milliards aujourd’hui et sans doute 9 milliards en 2050).
Il y a urgence à conduire le monde dans ces nouvelles directions qui ne sont pas toutes évoquées à Copenhague. Le monde aujourd’hui gaspille énormément beaucoup de ses ressources, il doit donc revenir à un comportement plus frugal et durable.
Il convient aussi que chacun observe le monde avec lucidité et sans hypocrisie :
si la Chine devient le plus grand pollueur du monde c’est en partie parce que l’occident lui achète à bas prix des produits fabriqués au mépris de tout respect des normes environnementales qui prévalent à l’ouest ; avons-nous pour autant une responsabilité dans les émissions de CO2 de la Chine ? La Chine ne s’engage guère à changer à changer son comportement puisque les objectifs unitaires qu’elle indique à Copenhague, au surplus sans engagement, ne conduisent même pas à compenser les effets globaux de sa propre croissance. L’exemple du marché des panneaux solaires dont la Chine s’est récemment emparé, après avoir cassé les prix des producteurs allemands et américains soumis à des normes sociales et environnementales sévères, est tout à fait éclairant mais il y en a bien d’autres ;
si le chômage monte à l’ouest à mesure que la désindustrialisation s’étend, c’est que le consommateur préfère toujours acheter les produits les moins chers, fabriqués par une main d’œuvre sous-payée et mal protégée, sans comprendre qu’il doit assumer par ailleurs dans son pays le coût social du chômage voire même être lui-même victime du chômage.
Corriger tous ces dérèglements est un énorme enjeu qui va bien au-delà d’un objectif de limitation à 1,5° ou 2° du réchauffement de la planète et il serait bien naïf de croire qu’un accord sérieux à Copenhague suffirait à sauver le monde.
Encore faut-il identifier – ceci est facile – les pistes pour que la réduction du CO2 permette plus de croissance et un développement durable, mais surtout que ces pistes séduisent les consommateurs sans qu’il soit nécessaire de les attirer par des réductions de prix ou des baisses d’impôt, là est la gageure en pleine récession.
Il est urgent de transformer l’engouement récent mais encore un peu platonique pour la protection de la planète, une simple préoccupation pour beaucoup, en un réflexe général compris et assumé par le plus grand nombre.
Bernard Lenail